Dhammapada Verset 416

J’appelle brahmana* celui qui, en ce monde, a renoncé au désir et qui, quittant la vie domestique, est devenu un bhikkhu ; celui qui a éradiqué le désir et est parvenu à la fin de l’existence.

*brahmane ou brahmana dans ce chapitre signifie celui qui est déterminé à atteindre l’Éveil ou qui en est proche.

L’histoire de Vénérable Jotika

Alors qu’il résidait au monastère de Veluvana, le Bouddha prononça le verset 416 en référence à Vénérable Jotika.

Jotika était un homme riche et célèbre de Rajagaha. Il vivait dans un manoir majestueux aux pinacles à sept étages. Il y avait sept murs autour de son manoir, chacun d’entre eux ayant une entrée gardée par des démons célestes. La renommée de sa richesse se répandait loin à la ronde, et de nombreuses personnes venaient voir son manoir. Un jour, le roi Bimbisara vint rendre visite à Jotika, accompagné de son fils Ajatasattu. Celui-ci voyant la grandeur du manoir de Jotika, jura qu’il ne permettrait pas à Jotika de vivre dans un manoir aussi magnifique lorsqu’il deviendrait roi. Lorsque le roi quitta sa maison, Jotika lui offrit un grand rubis d’une valeur inestimable. C’était la coutume de Jotika de donner des cadeaux à tous les visiteurs qui venaient le voir.

Lorsque Ajatasattu monta sur le trône, après avoir tué son père, il vint avec ses soldats pour prendre de force la demeure de Jotika. Mais comme toutes les portes étaient bien gardées par des démons célestes, Ajatasattu et ses soldats durent battre en retraite. Il se réfugia au monastère de Veluvana où il trouva Jotika en train d’écouter un discours du Bouddha. Voyant Jotika aux pieds du Bouddha, Ajatasattu s’exclama : « Après avoir fait combattre tes gardes contre moi, tu fais maintenant semblant d’écouter un discours ! ». Jotika comprit que le roi était allé prendre sa place par la force et qu’il avait été contraint de battre en retraite.

Dans une existence passée, Jotika avait fait le vœu solennel que ses biens ne lui soient pas enlevés contre son gré, et ce vœu s’était réalisé. Il dit donc au roi Ajatasattu : « O roi ! Ma propriété ne peut pas être enlevée contre mon souhait. » En disant cela, il tendit ses dix doigts et demanda au roi d’enlever les vingt anneaux qu’il portait à ses doigts. Le roi s’efforça de les enlever mais n’y parvint pas. Jotika demanda alors au roi d’étendre un morceau de tissu et lorsque Jotika posa ses doigts sur le tissu, toutes ses bagues glissèrent facilement. Après avoir donné toutes ses bagues au roi Ajatasattu, Jotika demanda au Bouddha qu’il puisse être autorisé à entrer dans l’Ordre. Peu après il atteignit l’Éveil.

Un jour, lorsque certains bhikkhus lui demandèrent s’il lui restait du désir pour son manoir, sa richesse et sa femme, il répondit qu’il n’avait plus de désir pour eux. Les bhikkhus allèrent voir le Bouddha et lui dirent : « Vénérable Seigneur ! Vénérable Jotika prétend avoir atteint l’Éveil ; il dit des mensonges.  » Le Bouddha leur répondit : « Bhikkhus ! Jotika dit la vérité ; il n’a plus de désir. Il est maintenant un Être Éveillé. »

Puis le Bouddha dit :

J’appelle brahmana* celui qui, en ce monde, a renoncé au désir et qui, quittant la vie domestique, est devenu un bhikkhu ; celui qui a éradiqué le désir et est parvenu à la fin de l’existence.

Quelques réflexions …..

« La propriété, c’est le vol ! » disait Proudhon mais le Bouddha nous dit que la propriété est une illusion.

Lorsque nous réfléchissons attentivement aux objets que nous pensons posséder, nous nous rendons compte qu’ils sont constitués d’atomes. Ces atomes ont été fabriqués à la suite de l’explosion de grandes étoiles (supernova). Comment des atomes fabriqués de cette manière pourraient-ils appartenir à quelqu’un ? De plus, nous savons par notre propre expérience que tous les objets finissent par s’user, se décomposer, s’éroder et disparaître. Les liens entre les atomes finissent par se rompre. Ces atomes établissent alors de nouveaux liens et forment de nouveaux composés qui peuvent être utilisés pour fabriquer de nouveaux objets. Cela nous montre clairement que penser que nous possédons des objets, des terres ou des maisons est en fait une illusion.  Thich Nhat Hanh a dit « voir un nuage dans une tasse de thé ». Cela nous montre comment les choses se transforment. Le nuage se transforme en pluie qui finit par faire partie d’une rivière. Cette eau est filtrée puis se retrouve dans notre robinet, puis dans notre bouilloire et enfin dans notre tasse. Dans notre corps, elle est filtrée par nos reins et la plupart de cette eau finit dans les toilettes où elle est évacuée. Finalement, cette eau s’évaporera et fera à nouveau partie d’un nuage et tout le cycle recommencera. Est-ce que quelqu’un peut-il dire qu’il est le propriétaire de l’eau ?  Lorsque nous pouvons voir le nuage dans une tasse de thé, nous comprenons que rien ne nous appartient, cette idée est une illusion ; à cet instant, le désir, la jalousie, l’avidité cessent et nous devenons paisibles.