Verset 334 : Chez un homme qui vit sans attention, le désir se développe comme une plante grimpante. Il court de naissance en naissance, comme un singe cherchant des fruits dans la forêt.
Verset 335 : En ce monde, le chagrin croît chez celui qui est accablé par le désir sensuel, tout comme l’herbe du birana* bien arrosée pousse luxueusement.
Verset 336 : En ce monde, le chagrin n’atteint plus celui qui surmonte le désir sensuel dont il est si difficile de se débarrasser, tout comme les gouttes d’eau glissent d’une feuille de lotus.
Verset 337 : C’est pourquoi je dis à vous tous rassemblés ici : déterrez la racine du désir tout comme celui qui souhaite avoir une racine parfumée déterre l’herbe du birana. Ne laissez pas Mara** vous entrainer encore et encore, comme la rivière en crue arrache le roseau.
* l’herbe du birana : une herbe (andropogon muricatus) qui pousse en Inde, qui produit des racines odorantes.
**Mara : le « tentateur », personnification du mal et des influences négatives.
L’histoire de Kapila le poisson
Alors qu’il résidait au monastère de Jetavana, le Bouddha prononça les versets 334-337, à propos d’un poisson d’une belle couleur dorée et à la bouche puante.
À l’époque du Bouddha Kassapa1, il y avait un bhikkhu nommé Kapila, qui était très instruit dans les Pitakas. En raison de sa grande érudition, il acquit beaucoup de renommée et de fortune ; il devint également très vaniteux et était plein de mépris pour les autres bhikkhus. Lorsque d’autres bhikkhus lui faisaient remarquer ce qui était approprié ou non, il répondait invariablement : « Qu’en savez-vous ? », laissant entendre qu’il en savait beaucoup plus que ces bhikkhus. Au fil du temps, tous les bons bhikkhus l’évitèrent et seuls les mauvais se rassemblèrent autour de lui. Un jour d’Uposatha 2, alors que les bhikkhus récitaient les préceptes fondamentaux pour les bhikkhus (le Patimokkha), Kapila dit : « Il n’existe pas de Sutta, d’Abhidhamma ou de Vinaya. Que vous ayez la chance d’écouter le Patimokkha ou non ne fait aucune différence « , etc. et il quitta la congrégation des bhikkhus. Ainsi, Kapila était une entrave au développement et à la croissance de l’enseignement.
Pour cette mauvaise action, Kapila dut souffrir en niraya entre l’époque du Bouddha Kassapa et celle du Bouddha Gotama. Plus tard, il renaquit sous la forme d’un poisson dans la rivière Aciravati. Ce poisson avait un très beau corps doré, mais son haleine était épouvantable et offensante. Un jour, ce poisson fut attrapé par des pêcheurs, et comme il était si beau, ils l’offrirent au roi. Celui-ci, à son tour, amena le poisson au Bouddha. Lorsque le poisson ouvrit sa bouche, une odeur horrible et nauséabonde se répandit tout autour. Le roi demanda alors au Bouddha pourquoi un si beau poisson devait avoir une telle odeur. Le Bouddha expliqua : « Ô roi ! À l’époque du Bouddha Kassapa, il y avait un bhikkhu très savant qui enseignait le Dhamma aux autres. En raison de cette bonne action, lorsqu’il renaquit dans une autre existence, même sous la forme d’un poisson, il fut doté d’un corps en or. Mais ce bhikkhu était très avide, orgueilleux et très méprisant envers les autres ; il ne respectait pas non plus les règles et maltraitait les autres bhikkhus. Pour ces mauvaises actions, il renaquit en niraya 3, et maintenant, il est devenu un beau poisson avec une haleine épouvantable. » Le Bouddha se tourna alors vers le poisson et lui demanda s’il savait où il irait dans sa prochaine existence. Le poisson répondit qu’il devrait aller à nouveau à niraya et il était rempli de désespoir. Comme prévu, à sa mort, le poisson renaquit dans le niraya, pour subir une nouvelle période de tourments continus.
Toutes les personnes présentes qui entendirent parler du poisson furent alarmées. Le Bouddha prononça alors un discours sur les avantages de combiner l’apprentissage et la pratique.
Le Bouddha dit :
Chez un homme qui vit sans attention, le désir se développe comme une plante grimpante. Il court de naissance en naissance, comme un singe cherchant des fruits dans la forêt.
En ce monde, le chagrin croît chez celui qui est accablé par le désir sensuel, tout comme l’herbe du birana* bien arrosée pousse luxueusement.
En ce monde, le chagrin n’atteint plus celui qui surmonte le désir sensuel dont il est si difficile de se débarrasser, tout comme les gouttes d’eau glissent d’une feuille de lotus.
C’est pourquoi je dis à vous tous rassemblés ici : déterrez la racine du désir tout comme celui qui souhaite avoir une racine parfumée déterre l’herbe du birana. Ne laissez pas Mara** vous entrainer encore et encore, comme la rivière en crue arrache le roseau.
1. Bouddha Kassapa : l’un des sept bouddhas antiques qui ont précédé Gautama Buddha, le bouddha historique.
2. Uposatha (sanskrit : Upavasatha) est un jour d’observance bouddhiste, qui existe depuis l’époque du Bouddha (600 avant J.-C.) et qui est toujours observé aujourd’hui par les pratiquants bouddhistes.
3. Niraya : le monde des souffrances, l’enfer
Quelques réflexions …..
Dans notre société, la futilité et l’insouciance sont à la mode. On qualifie ce genre de vie comme « décontractée », mais nous ne réalisons pas que sous l’apparence de facilité et douceur nous cultivons une avidité intense et des habitudes de n’atteindre que ce qui est facile à atteindre, pas d’effort ou de réflexion. Nous travaillons de longues heures mais pourquoi ? Nous achetons des choses dont nous n’avons pas réellement besoin, nous adoptons des « loisirs » banals et inutiles et nous donnons de la valeur à ce qui n’en a pas vraiment comme la mode, l’alcool, ce que tel acteur ou telle actrice a dit, ce que les amis approuvent ou désapprouvent. Nous courrons ici et là, « comme un singe cherchant des fruits dans la forêt ». Lorsque nous prenons le temps de nous arrêter et de réfléchir à notre vie régulièrement, nous pouvons voir clairement ce comportement en nous-mêmes, nous devenons désenchantés du monde et cherchons une vie plus utile et plus sage.