S’en remettre aux gens vertueux en tant qu’amis
Dans l’une de ses nombreuses vies, le bodhisattva devint un grand capitaine de navire. Il avait une connaissance approfondie des constellations, ce qui lui permettait de ne jamais se perdre. On l’appelait Suparaga, qui signifie « bon passage ».
Même à un âge avancé, après sa retraite, un groupe de marchands souhaitait encore qu’il commande leur navire. Il accepta par compassion, et lorsqu’ils partirent, ils se réjouirent, convaincus que leur voyage serait couronné de succès. Toutefois, dès leur première nuit en mer, après avoir perdu de vue la terre ferme et s’être engagés dans une zone plus profonde de l’océan peuplée de créatures marines mystérieuses, ils furent pris dans une tempête déchaînée. Ils n’arrivaient pas à maîtriser le navire face à ces vents furieux.
Malgré tous leurs efforts, ils ne purent pas maintenir le cap. Ils furent emportés par des flots tumultueux, traversant la mer des Guirlandes de Sabots, l’océan de Lait, la mer des Guirlandes de Feu, la mer d’Herbe et enfin la mer des Roseaux, à la fin du monde. Suparaga les avait mis en garde tout au long du voyage de faire demi-tour, mais malgré tous leurs efforts, le vent était trop fort.
Après avoir traversé la mer des Roseaux, ils entendirent un grondement assourdissant, semblable à celui du tonnerre. Ils levèrent la tête et virent l’océan tomber dans un gouffre apparemment infini, s’étendant à l’horizon dans les deux directions. Ils ne pouvaient toujours pas faire machine arrière. Ils étaient condamnés. Suparaga regarda tristement les hommes et leur expliqua qu’ils avaient atteint la fin du monde, connue sous le nom de Bouche de la Jument. On l’appelle ainsi parce qu’il s’agit de la bouche du seigneur de la mort. L’endroit d’où personne ne revient. Les marchands se mirent à pleurer et à gémir, implorant l’aide de divers dieux. Ils continuaient d’avancer dans l’abîme sans fond. À ce moment-là, Suparaga dit aux hommes de rassembler leur courage, puis il s’inclina et proclama aux hommes ainsi qu’aux dieux du ciel et de la mer qu’il n’avait jamais fait de mal à un seul être vivant. Il demanda ensuite aux dieux, par le pouvoir de sa vertu, de faire demi-tour et de ne pas les laisser tomber dans la Bouche de la Jument. Le pouvoir de sa vérité était si grand que le courant et les vents changèrent de direction instantanément. Le ciel se dégagea peu à peu.
Le navire traversa les mers sans incident. Les dieux dirent aux marchands de jeter leurs filets à un certain endroit. Lorsqu’ils les remontèrent, ils virent qu’ils étaient remplis de trésors, d’argent, d’or, de saphirs et de béryls. Ils arrivèrent à bon port.

